L'histoire se déroule à Bagdad il y a de ça... Disons, quelques siècles. Un jeune vizir se rend au marché, déambule tranquillement entre les étals, quand soudain, il aperçoit une silhouette inquiétante. Son long manteau laisse deviner un corps d'une maigreur extrême, la main qui s'échappe d'une ample manche est squelettique. Le vizir est tétanisé, il a reconnu la Mort. Impossible d'en douter. Et c'est bien elle qui se tourne soudain vers lui et le désigne d'un geste étrange.

Terrorisé, le jeune vizir s'enfuit à toutes jambes jusqu'au Palais, se précipite dans les appartements du Sultan et supplie ce dernier de le laisser partir, de lui prêter pour cela son meilleur pur-sang grâce auquel il pourra voler à bride abattue le plus loin possible, jusqu'à Samarcande s'il le faut, afin de déjouer la Mort qui le guette.

Troublé par la frayeur de son Vizir, le Sultan accède à sa demande et laisse le jeune homme, au bord de la folie, s'enfuir de Bagdad pour se réfugier dans la ville lointaine.

Curieux, et peu sujet à la peur, peut-être à cause de son grand âge, le Sultan de Bagdad décide d'aller lui-même sur le marché pour voir ce qui a bien pu, véritablement, tant effrayé son Vizir. Et il tombe, lui aussi, sur la Mort. Téméraire, il s'approche de la camarde et n'hésite pas à l'interroger. "Qu'as-tu donc fait à mon Vizir pour lui provoquer une telle frayeur ?".

"Rien", répondit la Mort, "j'ai simplement eu un geste d'étonnement en le voyant sur ce marché aujourd'hui. Sur le Grand Livre, il est écrit que j'ai rendez-vous avec lui, ce soir, à Samarcande".

Bien.

Parfois, iI arrive que l'on se croit à l'abri, comme le sauvage, et puis un petit grain de sable vient soudain dérégler toute la machine. Quand le grain de sable, c'est Catherine Deneuve plus belle que jamais, on pourrait s'en satisfaire, mais quand on est vraiment un sauvage... C'est plus compliqué que ça.

Parfois, il arrive qu'on n'ait rien demandé et qu'on soit obligé de fuir, même quand on est un enfant. Petit coup de chance si on tombe sur le chemin de Gloria. Ici, c'est la version de Sidney Lumet. Si vous avez l'occasion de voir un jour l’originale, par John Cassavetes, ne la ratez pas.

Parfois, on est bien tranquille, à quelques jours de sa sortie officielle de prison. Et puis soudain, tout part en sucette. C'était quand le cinéma français osait le film d'action en clin d’œil à Butch Cassidy et le Kid, version Patrice Leconte.

Parfois, on se dit qu'on n'échappe pas à son Destin et que c'est peut-être finalement Gainsbourg qui a tout compris.

Alors ? Impossible de s'échapper vraiment ?

S'échapper, peut-être pas, mais prendre de la distance, certainement. Et pour ça, il y a un remède connu. Ce bon vieux Michel. S'y promener "à sauts et à gambades", y prendre ce qu'il y a à y prendre.

Parce que finalement, hein, l'important, ce n'est pas le Destin ou la fuite. C'est la manière dont on les aborde. Non ?