Le samedi 8 mars, Alice Delafosse a enfermé le club des lecteurs pour une présentation du huis clos en littérature. Cette expression du XVI° siècle signifie “à portes fermées”, on comprend tout de suite cette notion d’espace confiné dont on ne peut sortir.

Le huis clos est un outil littéraire qui permet aux auteurs de créer un ressort dramatique par la mise en situation dans un espace clos d’un nombre restreint de personnages. La création d’une atmosphère particulière s’installe, l’intensité des relations humaines, des conflits et des émotions est exacerbée.

Le huis clos se caractérise par un espace limité. Le lieu de l’action devient un personnage à part entière, il influence les comportements des personnages et les évènements. 

Dans son roman Solak, Caroline Hinault enferme quatre personnages sur une presqu’île au nord du pôle arctique. Ce désert de glace d’où ils ne peuvent s’enfuir, sans risquer une mort certaine, les oblige à le subir, à cohabiter avec lui.

Dans Shining (roman de Stephen King puis film de Stanley Kubrick), l’Overlook Palace, hôtel isolé par le froid et la neige, est un des personnages principaux. Son histoire, ses fantômes, son immense taille vont influer sur la psychologie de Jack, écrivain alcoolique qui en sera le gardien lors d’une saison hivernale.

L’interaction constante entre les protagonistes est une autre des caractéristiques du huis clos.  Elle amène en général à des conflits intenses, le peu d’espace et de liberté disponibles conduisent les personnages à se croiser régulièrement. Cette cohabitation finit par créer une pression sur les individus qui se retrouvent confrontés à leurs désirs, à leurs peurs et à leurs défauts.

L’occasion est trop belle pour Alice de présenter Huis clos, pièce de théâtre de Jean-Paul Sartre. Trois personnages se retrouvent enfermés dans une pièce sans issue, dans l’au-delà. Ils ne peuvent échapper à la confrontation avec leur propre conscience et à celle des autres. Ils se retrouvent face à leurs actions passées et doivent affronter la culpabilité, le jugement d’autrui et la vérité de leur propre être. Cette situation de huis clos sert de cadre à l’exploration  de leurs interactions et de leurs psychologies .

Enfin, l’analyse psychologique est la troisième grande caractéristique. Les relations de pouvoir, la manipulation, la culpabilité, la peur et la liberté sont des sujets fréquemment abordés.

Daphné du Maurier publie en 1938 Rebecca qui sera porté à l’écran par Alfred Hitchcock deux ans plus tard. Ce roman gothique mêle mystère, romance et psychologie. L’action se passe à Manderley, vaste domaine du riche veuf Maxim de Winter qui épouse en deuxième noce une jeune fille, la narratrice anonyme. L'ombre de Rebecca, première femme de Maxim, hante toujours les lieux et les souvenirs des personnes qui l’ont connue. La narratrice se compare constamment à elle, ressentant un sentiment de rivalité, non seulement avec la mémoire de Rebecca mais aussi avec la façon dont les autres, comme Mrs. Danvers, la gouvernante, la vénèrent. Cette dynamique crée une tension psychologique palpable.

Il est impossible de parler de huis clos sans se pencher sur le genre des romans policiers, largement utilisé pour intensifier l’intrigue.

L’un des premiers auteurs qui nous vient à l’esprit est bien sûr Agatha Christie qui adorait placer ces personnages dans des environnements confinés : Mort sur le Nil et son bâteau à vapeur, Le crime de l’Orient express dont Alice vous recommande l’adaptation cinématographique ou Ils étaient dix (anciennement Les Dix petits nègres) et son île.

Dans la littérature, on peut considérer le huis clos policier comme un sous-genre à part entière qui suit des règles bien précises. En plus des trois caractéristiques dont nous venons de parler, d’autres sont bien spécifiques au genre policier.

Tout d’abord le choix du détective qui doit être un personnage perspicace. Seul, il devra résoudre une énigme grâce à son esprit de déduction et d’observation. Il est généralement pressé par le temps puisque le meurtrier se trouve dans le même espace que les autres protagonistes et qu’il en va de la survie des autres personnages.

Une autre caractéristique est le nombre restreint de suspects. Utilisée par l’auteur pour donner au lecteur une sensation de jeu, chaque personnage est un coupable potentiel. On peut s’amuser à devenir nous-même des détectives en analysant leurs faits et gestes, en découvrant les indices en même temps que le détective. Nous menons notre propre enquête en répondant aux trois questions fondamentales du roman policier : Qui? Pourquoi? Comment?

Les romans policiers en huis clos jouent énormément sur le suspense. Les personnages peuvent manipuler les autres, se tromper mutuellement. Le lecteur doit constamment douter de la véracité des déclarations et des actions des différents protagonistes. Le huis clos empêche de nouveaux éléments extérieurs d’intervenir, toute solution doit émaner des interactions entre les personnages présents.

Alice ne pouvait pas finir sa présentation sur le huis clos sans un clin à la justice qui l’utilise dans certaines procédures. Pour exemple, le dernier roman d’Eliette Abécassis, Divorce à la française, dans lequel nous suivons le divorce d’un couple à travers des auditions et des procès verbaux. Les témoignages se contredisent pour garder le lecteur dans un doute permanent. L’auteure maîtrise à la perfection cette notion de suspense.

 

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